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   Les Mouches : Synopsis et critique
I. Présentation

"Les Mouches", drame en trois actes et en prose de Jean-Paul Sartre (1905-1980), créé par Charles Dullin à Paris au théâtre de la Cité (ex-théâtre Sarah-Bernhardt) le 3 juin 1943, et publié à Paris partiellement dans Confluences
d¡¯avril à mai 1943, et en volume chez Gallimard la même année.

Ce n¡¯est pas à proprement parler la première pièce de Sartre. En 1940, durant sa captivité, il a déjà eu l¡¯occasion
d¡¯écrire et de faire jouer un « drame de Noël », "Bariona", dont le sujet chrétien voilait à peine un appel à la
résistance. Aussi, après l¡¯échec du groupe Socialisme et Liberté, en octobre 1941, Sartre revient-il au théâtre et
s¡¯attelle-t-il aux Mouches, comprenant que la pièce « représentait l¡¯unique forme de résistance qui lui fût accessible » (S. de Beauvoir). Liée au choc d¡¯un intellectuel qui vient de saisir son devoir d¡¯engagement, "les Mouches"
objectivent cette cassure entre le Sartre des années trente et celui des années quarante, en dramatisant le
dilemme entre la spéculation et l¡¯action. Le recours au mythe comme voile prudent et transparent reprend, en
l¡¯élargissant au public de la France occupée, l¡¯entreprise de Bariona : exhorter les Français à se délivrer des remords entretenus par le régime de Vichy et à revendiquer leur liberté. Bien qu¡¯il fût impossible de se méprendre sur ce sens, la critique ne retint cependant que l¡¯aspect giralducien de la pièce pour en dénoncer le caractère verbeux. Sartre
s¡¯en souviendra : Huis clos, sa deuxième pièce, adoptera un style et une forme plus dépouillés.

II. Synopsis

Depuis que Clytemnestre et son amant Égisthe ont tué Agamemnon, Argos est une « charogne de ville tourmentée
par les mouches », expiant ce crime par le remords. Oreste, le fils d¡¯Agamemnon, qui a échappé au massacre, revient après quinze ans à Argos sous un faux nom, en compagnie de son précepteur, le Pédagogue, et suivi par Jupiter
déguisé. Les mouches, symboles du remords qui persécute les Argiens, bourdonnent dans la ville déserte. Oreste
rêve d¡¯un acte, fût-ce un crime, qui l¡¯engagerait tout entier, lui donnerait une consistance. Jupiter puis le Pédagogue tentent de l¡¯en dissuader. Sur le point de céder à l¡¯ironie sceptique de son maître, Oreste rencontre Électre, sa s©«ur réduite en esclavage par leur mère Clytemnestre. Certes, elle voudrait connaître Corinthe et ses plaisirs, mais il y a d¡¯abord un mort à venger à Argos, et elle attend quelqu¡¯un. À la faveur de la cérémonie expiatoire qui commémore
l¡¯assassinat, et durant laquelle les morts doivent s¡¯abattre sur la ville, Électre appelle les Argiens à la révolte. Elle va réussir lorsque Jupiter libère l¡¯essaim des morts qui sème la panique dans la foule. Électre, bannie par Égisthe, trouve refuge dans un temple où Oreste, qui l¡¯a rejointe, se fait reconnaître et l¡¯invite à fuir avec lui vers Corinthe. Elle
refuse ce leurre et convainc Oreste de venger le mal par le mal. Victimes résignées, Égisthe puis Clytemnestre se laissent tuer par Oreste. Horrifiée par ce crime, Électre cède à la tyrannie divine du repentir, tandis qu¡¯Oreste lui
échappe en détournant sur lui, par un acte libre qui, croit-il, sauvera les Argiens, l¡¯acharnement des Érinyes, déesses de la Vengeance.

III. Critique

L¡¯ancrage des Mouches est double. D¡¯une part, la pièce renouvelle le thème classique de la vengeance d¡¯Oreste qui
va d¡¯Euripide à Giraudoux, dont l¡¯Électre est créée en 1937. De la fable, Sartre donnera cependant une interprétation qui réduit le mythe à une épure tout en incorporant à son drame d¡¯autres récits traditionnels (l¡¯évocation des morts
tirée de l¡¯Odyssée; l¡¯histoire du joueur de flûte de Hammeln transposée), l¡¯image obsédante des mouches venant
cimenter dans le titre même cette idée de l¡¯interpénétration des mythes et des traditions: les mouches, c¡¯est
simultanément le remords, l¡¯agitation des hommes, les Érinyes, les morts tourmenteurs, bref les monstres
archétypaux. Transhistorique, le mythe n¡¯en renvoie pas moins, d¡¯autre part, à l¡¯Histoire, et de même que l¡¯Électre de Giraudoux posait la question de la justice devant la montée du fascisme, on ne saurait ignorer que la situation-limite des Mouches est aussi celle de son époque. De ce point de vue, l¡¯analyse que fera Sartre des années d¡¯occupation
dans Situations III éclaire incontestablement le sens de la pièce : « L¡¯Occupation [...] c¡¯était aussi sur tous les murs, dans les journaux, cette immonde image qu¡¯ils [les collaborateurs] voulaient nous donner de nous-mêmes. » De fait, avec "les Mouches", on a bien une ©«uvre de la Résistance, mais tout comme Oreste a recours au subterfuge du faux nom et aux ruses pour tuer Égisthe, la pièce est une attaque de biais : Électre, qui vit dans un songe de haine,
attaquera frontalement et échouera; Oreste, contraint à la liberté, observe les exigences de la réalité et s¡¯en
empare pour réussir.

Dans cette mesure, le drame anticipe le programme que Sartre tracera pour son théâtre de la liberté en situation: « Nous avons nos problèmes : celui de la fin et des moyens, de la légitimité de la violence, celui des conséquences de l¡¯action, celui des rapports de la personne et de la collectivité. » Si tous ces problèmes nourrissent la pièce, on peut s¡¯interroger sur le sens que donne Sartre à la question de l¡¯individu et du collectif, précisément parce que la pièce se veut un appel public à la résistance collective. Il s¡¯agit certes, par un acte exemplaire qu¡¯Oreste espère contagieux, de donner aux Argiens un monde neuf où « tout est à commencer », rappelant en cela cette « aurore » qui se lève à la fin de la pièce de Giraudoux. Mais Oreste s¡¯intéresse moins à la libération d¡¯un peuple qu¡¯à la mesure de son poids d¡¯être à la balance de son acte : il n¡¯a pas agi pour les Argiens, il a agi devant eux ; au même titre d¡¯ailleurs
qu¡¯Égisthe qui anesthésie la foule par ses cérémonies expiatoires, ou qu¡¯Électre qui tente de l¡¯impressionner par sa
mise en scène. Théâtre de la théâtralité : les personnages baignent tous dans l¡¯exaltation du rite, qu¡¯il soit sacrificiel ou initiatique, la foule n¡¯ayant d¡¯autre fonction que de se laisser fasciner. Au fond, le collectif n¡¯intéresse guère le
Sartre des années quarante : sa première pièce est celle de la morale individuelle au même titre que "l¡¯Être et le
Néant", paru la même année. Ainsi lorsque la fin est proche, Oreste « veu[t] être un roi sans terre et sans sujets », assumant seul et pour lui seul, quoi qu¡¯il en dise, la vengeance des Érinyes. Réponse « romantique » qui fait la part
belle à l¡¯intériorité : un homme a délivré la ville de ses mouches mais il s¡¯est surtout déchargé de ses propres
monstres. Sa liberté est une liberté « pour rien », comme celle du Mathieu de l¡¯Âge de raison. Opposée à la
fulgurance d¡¯un acte consumé aussitôt qu¡¯accompli, Électre représente la part ténébreuse du tragique sartrien et
semble annoncer Goetz (voir "le Diable et le Bon Dieu") et Frantz (voir "les Séquestrés d¡¯Altona"). Elle attend
quelqu¡¯un, elle exhorte les autres, mais elle n¡¯a peur de rien tant que de voir son rêve de vengeance s¡¯accomplir
véritablement. Condamnée à éprouver les apories du Bien par le Mal, de l¡¯amour par la haine, elle est cette attente
vaine qui « rêve le crime » et retourne sa violence contre soi, comme le lui fait remarquer Jupiter : « Tu n¡¯as jamais voulu le mal : tu n¡¯as voulu que ton propre malheur. » Incapable de dépasser sa conscience malheureuse, elle sombre dans l¡¯un des pôles de l¡¯alternative sartrienne, l¡¯imaginaire, comme le fou dans la nouvelle « la Chambre » (voir "le
Mur"), l¡¯autre étant le consentement à la contingence (voir "la Nausée").

Or, avec les Mouches, Sartre envisage précisément un dépassement possible de cette alternative. Oreste sera l¡¯un
des premiers personnages sartriens (avec Brunet dans les Chemins de la liberté) à accepter pleinement sa condition d¡¯homme. Dès le début de la pièce, le dialogue avec le Pédagogue (I, 2) vaut comme un congé donné à la liberté
d¡¯esprit, qui n¡¯est pas la liberté, à cet univers gidien du désengagement systématique, pour se mettre « au niveau de cette horreur suprême qui est notre condition ». Si le dernier acte, qui voit curieusement Oreste fuir sa ville, peut
laisser perplexe sur l¡¯accomplissement de cette liberté, c¡¯est aussi qu¡¯il rend compte théâtralement d¡¯un moment de
suspension dans la pensée de Sartre, dépassant la philosophie de l¡¯Être et le Néant au moment même où celui-ci la
rend publique. Toutefois, c¡¯est peut-être moins cette pression constante de la dialectique, moins également l¡¯audace du message, dans la France de 1943, qui aujourd¡¯hui nous retiennent dans la pièce, que la thématisation de
l¡¯imaginaire sartrien qui se trouve d¡¯emblée en résonance exemplaire avec le mythe pour en déployer les motifs — la
fraternité, la bâtardise —, mais surtout cette mythologie personnelle de la viscosité qui emprunte fréquemment au
bestiaire entomologique. Elle donne, dans l¡¯image démultipliée des mouches, l¡¯occasion à Sartre de se livrer à
l¡¯étrange et fascinant carrousel d¡¯une poésie noire.

Article de J.-M. RODRIGUES

Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty, "Dictionnaire des oeuvres littéraires de langue française", Bordas, Paris 1994.

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